Sophie Jeukens

1985
Mention de source
Montréal Portrait (Sarah Rouleau)

Biographie

Sophie Jeukens a fait paraître des poèmes dans les revues Exit, Jet d’encre et Le Sabord, ainsi qu’un mini-recueil intitulé Kérosène, aux Éditions Fond’tonne, et créé La gueule à la beauté, un spectacle de poésie sur fond d’échafaudages vocaux. Elle est l'autrice de Couchés en étoile dans la combustion lente des jours, paru aux Éditions de Ta mère au printemps 2022. Dans ses temps libres, elle est directrice artistique de la Maison des arts de la parole, un organisme dédié au conte et à la poésie performée à Sherbrooke.

Elle ne boit jamais la dernière gorgée du café.

Entrevue

Lisiez-vous de la poésie quand vous étiez à l'école ? Y a-t-il un poème en particulier dont vous vous souvenez ?

Au secondaire, j'ai appris à analyser les poèmes de Baudelaire, Rimbaud et Verlaine grâce à une enseignante un peu rebelle qui nous a parlé du symbolisme, des poètes maudits et de ce à quoi peut bien servir la littérature. Au Cégep, on m'a parlé de François Villon, des lais, des rondeaux et des ballades. Globalement, je crois que les enseignant.es que j'ai croisés sur mon parcours étaient pour la plupart un peu intimidés par la poésie. Ils nous ont appris à compter les pieds dans un sonnet classique plus qu'à démystifier le langage poétique. 

C'est à travers la chanson que j'ai découvert la poésie actuelle. Au Cégep, me rappelle avoir été flabbergastée par l'étude de Charcoal, de Richard Desjardins, tellement le texte débordait d'images et livrait avec tellement de justesse une critique sociale percutante.

Quand avez-vous commencé à écrire de la poésie ? Et quand avez-vous commencé à vous considérer poète ?

J'ai commencé à écrire de la poésie vers la fin de mes études secondaires. 

C'est grâce à une sorte de conférence décalée, quelque part entre poésie, humour et jeu, proposée par un poète invité à notre école, que j'ai découvert que la poésie pouvait exister à l'extérieur des structures classiques qu'on m'avait présentées jusque là. La poésie m'est apparue comme un langage avec lequel on pouvait s'amuser, un langage qui pouvait permettre de condenser une pensée en seulement quelques mots bien choisis, mais surtout, comme un langage qui était à ma portée.

Il m'a tout de même fallu quelques années avant de considérer la poésie comme une partie de mon identité. Comme une de mes langues préférées. Je dirais que c'est à travers la reconnaissance des autres que j'ai pu oser me définir comme poète. À travers mes premiers prix, mes premières publications, mais surtout, mes premiers "j'adore ce que tu écris, ça m'a vraiment touché.e".

Comment voyez-vous le « travail » des poètes ?

Le travail des poètes, c'est d'abord un travail d'observation du monde. Les poètes, en posant un regard un peu décalé sur les choses, nous aident à voir le monde différemment, à le rêver différemment. C'est aussi un travail de générosité. Celle de partager des morceaux intimes de nous-mêmes, parce qu'on croit que quelqu'un d'autre peut y trouver de quoi mieux se connaître, se comprendre ou même se révéler.

Ensuite, il s'agit de trouver le mot juste, la forme juste, pour transmettre le plus exactement possible, avec le plus de force possible, ce qu'on souhaite dire, d'une manière qui ne fasse pas seulement comprendre, mais aussi ressentir. 
Il faut, pour y arriver, explorer le langage de fond en comble. En extraire toutes les ressources, puis bricoler, effacer, rabouter, pour inventer quelque chose qui soit aussi complètement juste, complètement sincère et complètement neuf que possible. 

Si vous avez un poème dans notre anthologie, qu’est-ce qui vous a inspiré lors de son écriture ?

J'ai écrit ce poème durant un road trip à Chicago, en plein hiver.
J'y ai passé quelques jours dans un appartement de Wicker Park, à boire des cafés, à écrire et à fêter le Nouvel An en faisant du karaoké sur YouTube dans un salon frette qui n'était pas le mien.

Les voyages me donnent toujours envie d'écrire. 
Il y a quelque chose, dans le fait de changer d'espace, qui force à se regarder sous un autre angle. 
À chercher comment être soi ailleurs.
Et on y fait parfois des découvertes étonnantes. 

Si vous deviez choisir un poème à mémoriser dans notre anthologie, lequel serait-ce ?

C'est un peu cruel de ne pouvoir en choisir qu'un.

Mais j'ai un gros coup de cœur pour Ma peau ne m'appartient..., de Nour Symon. 

D'abord, il aborde le rapport au corps, un thème qui me touche énormément, et qui me semble incroyablement pertinent. Nous vivons de plus en plus dans un monde de l'image, de la représentation, et on peut facilement crouler, sous la pression de correspondre à des modèles qui n'existent même pas dans la vraie vie. 

Ensuite, dès que je lis ce poème, j'ai envie de le dire.
Les répétitions, les énumérations et les sauts de ligne impromptus créent une rythmique avec laquelle j'aurais envie de jouer à l'infini.
C'est un poème qui demande à être interprété, joué. Qui demande au lecteur d'en créer sa propre version, à voix haute.

Publications

Titre
Couchés en étoile dans la combustion lente des jours
Maison d'édition
Ta mère
Date
2022
Type de publication
Recueil
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